Ce bijou de 1978,
réédité cette année, aurait bien pu accompagner La rivière sans retour. Au
piano, à la guitare, en chantant de sa voix profonde et bouleversante ou en
sifflant, Basho donne corps à la grandeur des Etats-Unis, celui des montagnes,
des forêts et des rivières, où on se laisse guider par les étoiles et où on est
traversé par le temps passé à attendre celle qu'on aime.
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Techniquement ça
tient aussi du folk et du psychédélisme mais c'est plus compliqué (difficile de
ne pas penser à Basho cependant sur « Stray dog » du volume 1 des Black Tar Prophecies). Alors
que Basho évoque un lieu, une époque, un rapport intime avec la nature et celle
qu'il aime, Grails brouille les pistes spatio-temporelles. On entend la Californie
et l'orient, le folk du début des 70’s et le post-rock des 90’s, le blues et le
psychédélisme, tout se mélange pour en faire quelque chose de plus puissant, de
plus opaque, et en même temps de plus solipsiste. C'est sensible sur « Self-hypnosis »
(volume 4), qui au début donne envie de se battre (Grails m’a souvent donné
l’impression de faire les bandes-son des révolutions), qui a quelque chose qui fait que la musique
ne peut pas rester confinée dans la chambre, fait
sentir qu'un truc crucial se joue, et qui finalement est recouverte par ce qui
demeurait au second plan, avant de s’éteindre dans une ambiance légèrement
mélancolique, comme si tout n’avait existé qu’en rêve. Grails fait la révolution en rêve. « Penalty
box », qui clôt ces Black Tar Prophecies, est tenu par un long
bourdonnement rythmé par la batterie d’Emil Amos, les guitares enfouies au
loin ; puis tout s’arrête, laissant seul l’écho de cris indistincts. Ces Prophecies
sont assez virtuoses et riches en mystères pour tenir en attendant la suite.
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And when
there was nothing... no feeling, no access, no contact, no one, she turned the
channel, chose a new view, changed the context, created her own fabrication, a
unique reality. She was a survivor through no choice of her own. (« talk
1 »)
Après avoir réédité l’année dernière Laurie Spiegel et son
superbe The expanding universe,
Unseen World sort cette année Daytime
viewing de Jacqueline Humbert et David Rosenboom. L’album est pensé comme
un long morceau dont Jacqueline Humbert est la narratrice, centré
autours de la télévision : son influence sur l’imagination, la vie de tous
les jours, comment elle tient compagnie, comment elle devient le monde entier (un
projet qui anticipe celui de Paddy McAloon autour de la radio avec I trawl the Megahertz). Ces chansons
existaient d’abord sous forme de performances réalisées au début des années
1980 incluant, en plus de la musique et du texte, théâtre, mode, vidéos, etc. Dans
ces environnements synthétiques, Jacqueline Humbert nous fait voyager dans les
rêves de ses personnages en conservant un ton facétieux - et féministe.
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J’ai découvert Andrew Chalk cette année, c’est-à-dire très
en retard, et je crois bien qu’il est le musicien d’ambient minimaliste le plus
touchant que je connaisse. Accompagné du pianiste Tom James Scott, il crée sur Wild Flowers une brume de laquelle émergent quelques notes claires et vacillantes. Ces notes, c’est peut-être cette brume même qui les porte et les dépose sur nos oreilles comme la rosée sur ces fleurs sauvages.
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